Un automne à Kyôto by Corinne Atlan

Auteur:Corinne Atlan [Atlan, Corinne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: BIB Litt. Générale
ISBN: 222643741X
Google: N3dqDwAAQBAJ
Éditeur: Éd. Albin Michel
Publié: 2018-08-28T22:00:00+00:00

Mon sac de courses au bras, je rentre à la maison par le chemin des écoliers, ou plutôt le chemin de la Philosophie, toujours désert à l’automne, quand les cerisiers qui perdent leurs feuilles se mettent à ressembler à n’importe quel arbre. Au printemps, lorsque leurs branches fleuries enveloppent le canal de blanc et rose vaporeux, le spectacle est certes féerique, mais le monde entier semble s’être donné rendez-vous sur cet étroit sentier. À l’automne, le charme des lieux est plus discret, sans doute plus proche de l’époque où Kitarô Nishida5 venait s’y promener pour réfléchir au calme. Ainsi en va-t-il aussi de la vie humaine : un charme différent selon les saisons.

Sans doute parce que j’ai à l’esprit la question cruciale du vieillissement du Japon, je remarque tous les gens âgés que je croise, notamment une petite dame chenue, touchante, avec son chien en laisse : elle lui parle comme à un enfant, lui pose une question, s’arrête, le regarde comme si elle attendait une réponse. Sans doute n’a-t-elle personne d’autre à qui parler.

En arrivant chez moi, je me demande comment va ma voisine presque centenaire, et sonne à sa porte en passant. Personne ne répond, comme souvent. Elle vit seule, la plupart du temps assise dans son fauteuil roulant, au fond du rez-de-chaussée sombre. Elle ne peut plus monter à l’étage, dit-elle. Il paraît qu’elle a un fils. Il ne vit pas à Kyôto et ne semble pas venir la voir très souvent. Elle reçoit chaque semaine à tour de rôle la visite des membres de l’association du quartier. Ma propriétaire passe régulièrement, et une assistante médicale envoyée par les services sociaux de la municipalité vient également s’enquérir de sa santé. Je crois qu’elle vit quand même dans un grand isolement.

Du coin de ma ruelle déboulent soudain deux petites filles adorables, en robes rouges et blanches, aux couettes noires retenues par des élastiques ornés de billes roses. Tandis qu’elles dévalent la pente avec des rires joyeux, l’une à vélo, l’autre jouant avec un cerceau, je me dis qu’il suffirait de peu pour que la relève soit assurée.

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